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Mill – Bay : Les Vautrin et les Deloumes

 

…les interlocuteurs sont en auto… bruits de circulation…

Dramatique 1 :

Henri :  Grand-papa, est-ce que tu es de Mill Bay?

Grand-père :  Oui.  Mes 5 frères et sœurs.  On habitait une petite ferme sur la rue Vautrin.

Henri :  Vautrin?  C’est pas un nom anglais, ça!  Il y avait des francophones dans le coin?

Grand-père :  Oui, plusieurs familles, dont la nôtre.  Mais le nom de Vautrin vient de plus loin dans l’histoire… ils n’étaient pas mes contemporains!

Père :  Il est vieux, mais… quand même!!!

 

…. Père et grand-père rient….

…. Intermède 30 secondes :  J’entends le moulin tique tique taque

 

Narration 1 :

 

Les français et les canadiens français furent très important dans le développement de la région de Mill Bay.  En fait, les deux premiers hommes non-indigènes à visiter Mill Bay furent deux canadiens français les frères François-Xavier et Jean-Baptiste Vautrin.

 

Ils explorèrent les rives de la baie ‘’MILL’’ dans les années 1830, en canot, alors qu’ils recherchaient des animaux à fourrure pour en faire le commerce.  Les deux hommes étaient nés au Québec.  Ils ont rejoint la Compagnie de la Baie d’Hudson en 1834 et firent un séjour à Fort Vancouver.

 

Les deux frères, comme il était très fréquent à l’époque, épousèrent des femmes des Premières Nations.  François joignit sa destinée à une femme de la nation Quantlen, alors qu’il était stationné à Fort Langley; quant à Jean-Baptiste, il épousa une Songhees, à Fort Victoria.

 

Éventuellement, les deux frères revinrent à Mill Bay, pour travailler au moulin et travailler la terre.  La terre de Xavier mesurait 100 acres et celle de Jean-Baptiste, mitoyenne à celle qu’exploitait son frère, était de la même grandeur.

 

Leurs descendants, dont certains parlent encore le français, comptent des membres de quatre Premières Nations différentes parmi leurs ancêtres.

 

…. Intermède 30 secondes… j’entends le moulin, tique, tique, taque

 

Dramatique 2 :

… de retour dans l’auto sur la grande-route…

Henri :  Alors, on peut dire que parmi les premiers colons, il y avait au moins quelques francophones?

Grand-père :  Il y en avait en fait plusieurs, dont quelques-uns ont laissé leur nom pour la postérité.

Henri :  Qu’est-ce que tu veux dire?

Grand-père :  Voutrait Road, à Mill Bay, a été ainsi nommé en mémoire des deux frères.

Henri :  Bien, voyons!!! J’avais compris que leur nom était Vautrin!

Grand-père :  Oui, leur nom était Vautrin.  Mais les 2 hommes ne savaient ni lire, ni écrire.  Alors, lorsqu’il y eut des papiers officiels à signer, les notables y allaient selon la prononciation… Le son ‘’in’’ n’existe pas en anglais. On y est allé avec ce qui était le plus facile à prononcer pour les anglophones… leur nom a ainsi été transformé.

Henri :  Tu en connais beaucoup sur l’histoire du coin, grand-papa?  J’ai un travail d’histoire à écrire sur les francophones en Colombie Britannique.  Est-ce que tu peux m’en dire plus?

Père :  Tu t’adresses à la bonne personne!  Ton grand-père est une encyclopédie vivante!

Grand-père :  … ricane…  tu exagères peut-être un peu…mais oui, j’aime l’histoire, la généalogie.  Je crois qu’il est important de savoir d’où l’on vient, de connaître ses origines.

Henri :  Pourquoi est-ce important?

Père :  Parce que, ces gens qui sont venus avant nous, qu’ils soient nos ancêtres ou non, partagent notre histoire, notre passé, mais aussi notre présent.  C’est grâce à ce qu’ils ont accompli, que nous sommes qui nous sommes.

Grand-père :  Bien dit… et oui, je peux te donner un peu plus d’information.

Henri :  YAYYYYY!  Que peux-tu me dire d’autre?

Grand-père :  Tu connais la petite église historique, juste au nord de la baie?

Henri :  euh… ah! Oui! Une toute petite église!

Grand-père :  Hé bien,  elle est construite sur une parcelle d’un terrain ayant appartenu à un certain Joseph Gabourie, du Québec.  L’église St-Francis Xavier, une église catholique, était à ce moment-là non seulement un lieu de culte pour les francophones de la région, mais aussi un point  de rassemblement.  À travers l’histoire des francophones catholiques du Canada, les églises étaient lieux de culte, mais aussi centres communautaires, l’endroit où on célébrait la culture et la langue française.  La paroisse était le point de ralliement.

 

Dramatique 3 :

 

… foule rassemblée… cloche d’église… shut!…

 

Paroissien :   Amis et paroissiens, voici enfin le moment que nous attendions tous :  la bénédiction de notre petite église par Monseigneur Jean-Nicholas Lemmens.

Lemmens :  Chères brebis de Jésus-Christ, prions ensemble.  Sous ce magnifique soleil, nous demandons aujourd’hui à Dieu de bénir l’église St-François Xavier, au nom du père du fils et du Saint-Esprit.

Foule :  Amen!

Lemmens : Cette cérémonie, toute solennelle qu’elle soit, est aussi une occasion de souligner dans la joie, le travail ardu et la volonté des paroissiens et de votre prêtre, travail qui a rendu possible l’érection de cette première église catholique de la région. Nous avons choisi St-François Xavier comme patron pour une bonne raison :  Il était un grand missionnaire, ‘’L’Apôtre des Indes’’… soyons-nous tous éclairés et guidés par son engagement…

 

… cloches d’église…..

… intermède 3 minutes… https://www.youtube.com/watch?v=bOX3hdGADEY

 

Narration 2 :

 

En 1892, un comptable, antiquaire et professeur de musique, du nom de Jean-Baptiste Deloume, quitta Bordeaux en France, pour venir s’établir à Saanich.  Durant cette période, le Canada tentait d’attirer des immigrants pour peupler ce grand pays.  La région de l’Ouest, plus particulièrement l’Île de Vancouver était le choix de plusieurs.

 

Bien sûr, Jean-Baptiste aurait pu choisir le Québec, où la majorité parlait français. Mais l’Île de Vancouver lui semblait le meilleur choix pour y faire pousser du raison :  Jean-Baptiste voulait faire du vin!

 

Pour cet homme épris de culture, presque quinquagénaire, le travail de la terre n’était pas facile.  Bien que les bras ne manquassent pas pour défricher et ensemencer la ferme, le travail d’agriculteur, de vigneron n’était pas facile.  Le sol de Saanich, où la famille s’était installée, ne favorisait pas la pousse du raisin.

 

Avec lui, étaient venus son épouse, nom de l’épouse… et 5 enfants.  Le plus vieux, Henri Lucien, avait 14 ans lors de l’exil, et la plus jeune, Marie-Thérèse, 4 ans.  Deux enfants naquirent sur l’Île, Marie et Anthony.  Grand-mère Deloume les avait suivis.

 

La matriarche décéda quelques années plus tard, et fut enterrée au cimetière Ross Bay à Victoria.  Mais les tempêtes fréquentes endommageaient le cimetière et Jean-Baptiste décida de rapatrier les restes de sa mère au cimetière de l’Église St-François Xavier (St. Francis Xavier, en anglais) dans les années subséquentes.

Pourquoi Mill Bay?  Parce qu’en 1901, les Deloumes y déménagèrent leurs pénates; la région était très sauvage à l’époque.  Mais les enfants, de jeunes hommes solides et maintenant de véritables pionniers, charpentiers et broussards eurent tôt fait de défricher la terre et de construire une maison.  Ils tracèrent même la Deloume Road.

 

Lorsqu’ils furent enfin installés, ils se rendirent compte que la seule église catholique de la région, St.Francis avait été longtemps négligée et était maintenant abandonnée.  Il manquait et de prêtres et de paroissiens.  Ils firent en sorte qu’un prêtre vinssent célébrer la messe une fois par semaine et avec d’autres paroissiens, réparèrent la petite église.

 

Jean-Baptiste, réussit à planter son vignoble et à produire du bon vin.  Sur leur ferme ‘’Hope Farm’’ de nombreuses espèces de fruits et de légumes florissaient.  Mais il continuait à donner des leçons de musique.  Cette famille de mélomanes se produisait souvent pour le plaisir et Jean Baptiste composa même une pièce :  The Mill Bay Marche, en 1911.

 

Les fils furent employés dans différents métiers.  Henri Lucien, travailla comme chef de quart dans plusieurs moulins de la région.  Il grava aussi plusieurs pierres tombales.

 

Un autre, Edouard, devint charpentier.

 

Les Deloume ont marqué l’histoire des francophones, non pas comme des héros ou des politiciens l’ont fait, mais plutôt comme des défricheurs, des pionniers.  C’est à la sueur de leurs fronts, et de celle d’autres francophones, que la Vallée du Cowichan s’est développée.

 

…. Intermède …. https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Vigne_au_vin (trouver youtube)

 

… bruits d’auto… circulation grand route…

 

Dramatique 4 :

 

Père :  On arrive à Duncan.

Grand-père :  On arrête se dégourdir les jambes?

Père :  Parfait!  Je dois acheter un petit quelque chose pour le souper.

 

… on gare l’auto… circulation légère… portes auto… marcher sur le trottoir en bois…

 

Henri :  Regarde papa!  Dans la vitrine du magasin, ces gilets ressemblent au tien…

Père :  Oui, Henri, en effet.  Ce sont des gilets en Tricot du Cowichan.

Henri :  C’est comme une marque de commerce?

Père :   Hum… oui et non.  Ce tricot est caractéristique du travail des Cowichan, un peuple indigène à la région.  Le patron est particulier à la région, et ces gilets très épais sont très populaires.

Grand-père :  On les connaît sous d’autres noms :  Gilet Indien et Gilet Siwash.  Cette dernière dénomination est cependant lourde de préjugés :  en effet, elle vient du mot Chinook ‘’Siwash’’ qui veut dire, ‘’Sauvage’’, nom donné aux gens des Premières Nations par les colonisateurs francophones… donc, nom à éviter.

Père :  Mais il y a un autre type de tricot, ressemblant beaucoup Cowichan Knittig, connu sous le nom de Mary Maxim Sweaters.

Henri :  Alors, ce sont les Cowichan qui l’ont inventé, ce type de modèle?

 

… Chanson sur le tricot…  60 secondes…

 

Narration 3 :

 

Bien avant contact, les Coast Salish People, incluant les Cowichan, tissaient des couvertures, des jambières et des mécapals avec les poils de chèvres de montagne, de chiens et de fibres végétales.  On filait la laine et la tissait sur métier à deux barres.

Il y a peu d’information sur la production pré-contact et l’utilisation du tissage, bien qu’il existe encore des exemplaires dans les musés.  Aucune évidence archéologique ou ethnographique du tricot n’existe.

 

Le mouton a été introduit sur l’Ile de Vancouver dans les années 1850 et cela assura une source abondante de laine.  C’est durant la même période que les premiers colons arrivèrent dans la Vallée du Cowichan.  Il semble que ce soit à ce moment que les femmes des Premières Nations commencèrent à tricoter.

 

L’instruction organisée du tricot fut donnée par les Sœurs de la Congrégation de Sainte-Anne, envoyée comme missionnaire dans la Vallée dès 1864 afin d’y établir une école.

 

Les sœurs enseignèrent aux femmes Cowichan à tricoter des mitaines et des bas. Les archives de l’école nous apprennent que les travaux des élèves furent exposés et vendus au Chicago World’s Fair de 1893.

 

De bas et de mitaines, l’expérience aidant, les étudiantes commencèrent à tricoter des sous-vêtements aux genoux et des gilets.  Les techniques n’ont guère changé depuis le temps.  Les gilets sont tricotés sans couture, en utilisant plusieurs aiguilles, selon la méthode européenne des années 1800.

 

Les premiers gilets étaient monochromes au début.  Plus tard, certaines tricoteuses utilisèrent la technique de l’Ile Fair (Fair Isle).  L’utilisation et l’enseignement des gilets à motifs sont généralement attribués à Jerimina Colvin, who setteled in Cowichan Station in 1885.

La différence entre le gilet Cowichan et le gilet Écossais (Fair Isle et Shetland), est que le Cowichan est toujours filé et tricoté à la main, coloré naturellement en 2 ou 3 tons (crème, noir et gris), et qu’il est beaucoup plus lourd que les gilets Écossais qui sont multicolores et utilisent une laine beaucoup plus légère.

 

… les Beaux Métiers de Gilles Vigneault… 2 min 30 sec…

 

Dramatique 5 :

Henri :  Alors, si je comprends bien, ce sont les Sœurs de Sainte-Anne, des francophones, qui ont permis aux femmes Cowichan de diversifier leur art?

Grand-père : Oui, et tu as très bien choisi ton mot :  diversifier.  Car les femmes Cowichan étaient déjà expertes dans l’art de tisser.  Elles reproduisaient des patrons très compliqués, par exemple, en tissant les couvertures de chefs.  Elles étaient des expertes.  L’introduction des aiguilles à tricoter et du tricot leur a permis de diversifier, comme tu le dis si bien, leur art.

Henri :  Est-ce que ces artistes peuvent vivre de leur art?

Grand-père :  Certaines le peuvent.  Mais la partie n’est jamais gagnée.  Plusieurs compagnies, et depuis 1920, se sont appropriés l’idée et le design.  Il n’y a pas très longtemps, la Compagnie de la Baie d’Hudson, qui est encore empêtré dans le scandale des Terres Non-Cédées, soit en Octobre 2009, présenté sa ligne de vêtements pour les Jeux Olympiques d’Hiver 2010, incluant un gilet qui ressemblait au gilet Cowichan.  La chose s’est réglée à l’amiable.

Henri: Tu veux dire que le gilet est progégé?

Père :  Oui, Henri. 

Henri :  Est-ce qu’il y a des artistes francophones, dans la région?

Père :  Bien entendu!  Et il y a des artistes de toutes les nationalités. Parmi les Coast Salish People, certains portent des noms de famille à consonnance française.

Henri :  Par exemple?

Grand-père :  Par exemple?  Le scupteur reconnu internationalement Douglas Lafortune.  Un étudiant de Simon Charlie, il a développé son talent en sculpture.

Lafortune est définitivement un nom d’origine française.  Les premiers Lafortune à venir s’établir dans le coin étaient Jos et France Lafortune, de Québec, à la fin des années 1800.

Henri :  Je pense que ce sera mon le sujet de mon projet :  tous ces francophones venus s’établir dans la Vallée du Cowichan.  Est-ce que tu connais d’autres histoires, grand-papa?

Grand-père :  Des tonnes!  On pourra peut-être arrêter au cimetière St. Francis Xavier en retournant à Victoria.  Tu verras, sur les pierres tombales les noms des LaFortune, DeLoume, LaCroix, Fortin, Généreux, Guay, St-Armand, Simard et Dupont.

Henri :   Et où est-ce que je pourrai obtenir de l’information sur ces gens-là?  Ce n’étaient pas des stars ou des héros, comme tu as dit plutôt.  Est-ce qu’il y a des archives qu’on peut consulter?

Père :  Il y a des associations historiques.  Ce sont grâce à elles que ces gens du peuple ne sont pas oubliés.  Les membres de ces associations sont les gardiens de notre petite histoire.

Henri :  Est-ce que moi, je pourrais devenir membre?

Grand-père :  Sais-tu quoi, mon grand?  Toi et moi, on va devenir membre.  Ce sera notre projet commun.  Aimerais-tu ça?

Henri :  Bien sûr! … Je suis tellement content d’avoir trouvé mon sujet de travail!

 

https://www.youtube.com/watch?v=fI4LeP2_UMY

2 min 06 se