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Maillardville

 

 

… dans la salle paroissiale… bruits de chaises… toussottements… pas de micro…

 

Curé :  Mes chers paroissiens, mes chères paroissiennes… si vous voulez bien vous asseoir… la salle se calme… on s’asseoit… Comme vous le savez déjà sans doute, nous recevons aujourd’hui un représentant de la Fraser Mills Company, qui a voyagé depuis la Colombie-Britannique, à l’autre bout du pays, pour venir nous faire une offre.  Je vous demande de l’écouter.  Et nous discuterons entre nous lorsqu’il aura terminé.  Monsieur Thompson … c’est à vous….

Rep. : … avec un fort accent anglais… Messieurs… Mon nom est Peter Thompson et je travaille pour un gros moulin à scie dans le sud de la Colombie Britannique, sur le bord de l’Océan Pacifique : le Fraser Mills.  Et je suis ici pour vous convaincre de venir travailler chez nous.

Nous manquons de travailleurs… nous manquons de travailleurs expérimentés… les Canayens sont reconnus comme étant de bons travailleurs, ayant le cœur à l’ouvrage, et qui ont peur de rien… On a besoin d’hommes comme vous…

Homme 1 :  C’est loin, la Colombie Britannique?

Homme 2 :  Le curé l’a dit :  c’est à l’autre bout du pays!

Homme 1 :  Je sais, j’ai entendu.  Mais je suis pas bon en géographie :  ça fait combien en miles?

Rep. :  Ça fait 3000 miles.

… expressions d’étonnement… on bouge sur les chaises… on entend :  C’est loin! C’est pas à l’autre bout du pays, c’est à l’autre bout du monde… rires…

Rep. :  Mais c’est pas si loin que ça, en train.  Le voyage dure 5 jours… et le billet de train est payé… aller seulement.

Homme 3 :  On peut pas revenir de l’ouest juste de même… on peut pas laisser nos femmes pi nos enfants pour jamais les revoir!!!

… assentiments de plusieurs….

Rep. :  On peut payer le billet de votre épouse… mais on peut pas, vous le comprendrez faire voyager une famille de dix enfants.  Un engagé et son épouse.

Homme 1 :  C’est combien, les gages?

Rep. :  C’est des bons gages… vous en trouverez pas d’aussi bons ici… la Fraser Mills vous assure un job en arrivant là-bas.  On paie un homme $2,50 par jour, pour un shift de 10 heures, et 6 jours par semaine.

… chuchotements… acquiescements…

Homme 2 :  On peut tous espérer, un jour, s’acheter de petites terres, par icite. On aura-tu les moyens d’en acheter une en arrivant là-bas?

Rep. :  Mieux que ça :  on vous promet un terrain pour vous établir et on vous fournit le bois pour construire votre maison!

Homme 3 :  Pi vous gardez combien sur nos paies pour rembourser ça?

Rep. :  Rien!  On vous les donne!

exclamations… applaudissements… chuchotements….

Curé :  Un instant… un instant… avant d’aller plus loin, je voudrais poser une question à Monsieur Thompson :  j’imagine que tout le monde doit parler l’anglais dans le moulin?

Rep. :  Ceux qui travaillent dans le moulin peuvent continuer à parler le français, mais les millright doivent pouvoir parler en anglais avec les grands boss.

Curé :  Et l’Église?  Est-ce qu’ils vont pouvoir continuer à être catholiques?

…. Silence total…

Rep. :  Bien sûr!  Ils pourront continuer à pratiquer leur foi!!!

… applaudissements… hourras…

 

… intermède 30 secondes…. :  la marche nuptiale

… dans une église… plusieurs couples se marient ne même temps…

 

Dramatique 2 :

Curé :  Avant que vous ne prononciez vos vœux, je voudrais vous donner, à tous et à toutes quelques secondes pour réfléchir à votre choix de vous exiler dans l’Ouest du pays.  Vous choisissez une nouvelle vie, c’est vrai.  Certains des plus aventureux y vont pour le défi, pour le plaisir de défricher, de commencer une nouvelle vie… Oui, vous recevrez un bon salaire… oui, vous aurez un terrain et du bois pour vous construire une maison… mais n’oubliez pas que tout cela a un prix :  vous laissez derrière vous vos papas et vos mamans… vos frères et sœurs… votre famille!  Et pour la plupart d’entre vous, vous ne les reverrez plus jamais!

Si toutefois vous demeurez fort dans votre décision de partir, amenez dans votre cœur le désir de garder votre foi et d’y élever vos enfants… la volonté de continuer à parler français… et la force de défendre vos droits :  Notre langue, notre foi, nos droits!

… Vous pouvez vous marier, et décider de rester dans votre paroisse… Bon… je vois que personne ne bouge … il soupire… Alors… on y va.  D’abord, les hommes.  Vous allez répéter après moi :  ‘’MOI’’ et dire votre nom…

Moi …

… superposition de la dernière phrase sur la  musique….

… On prend toujours un train :  Gilbert Bécaud

https://www.youtube.com/watch?v=KXlBUPWnOGE

 

Narration 1 :

Le manque de main d’œuvre à l’ouest des Rocheuses et l’expertise dans les emplois reliés à la foresterie dont font preuve les canadiens français, est ce qui pousse l’usine Fraser Mills à tenter d’attirer les Québécois dans l’Ouest.  Cette usine deviendra la plus grande scierie de l’Empire Britannique.

 

Pour certains, comme le disait le bon curé, c’est le goût de l’aventure, de voyager, d’explorer de nouveaux horizons qui les amène à traverser le pays.  Pour d’autres, c’est la possibilité d’avoir leur propre maison, avec un terrain.  Et pour d’autres, c’est comme une sorte de ruée vers l’or, sans les incertitudes…

 

Cent dix aventuriers… et aventurières… arrivent à la gare de Fraser Mills, le 26 septembre 1909.  Le train est surnommé le ‘’Honeymoon Special’’; de nombreux couples se sont formés dans les semaines précédant la décision de certains de ces hommes de tenter l’aventure.  La veille de leur départ, plusieurs mariages de groupe furent célébrés dans les églises de Sherbrooke et Hull au Québec, et Rockland en Ontario.

 

Bien que Monsieur Thompson leur ait vanté les avantages d’un monde à créer de toute pièce, la réalité frappe les nouveaux arrivants :  terres à défricher, maisons à construire… tout en travaillant 60 heures par semaine… mais cela fait partie de l’aventure, et très vite, un petit village s’érige.

 

Fidèles à leur foi et à la promesse faite à leur curé de paroisse avant de partir, ils obtiennent de la Fraser Mills, qui veut à tout prix conserver ses employés, le terrain et le matériel nécessaires pour construire une église catholique.  L’année suivant leur arrivée, et grâce à l’effort de chacun, les fidèles de Notre-Dame-de-Lourdes, la nouvelle paroisse, peuvent célébrer la messe de Noel dans l’église construite au Carré Laval.

 

… intermède musical 30sec…

 

Dramatique 3 :

 

Fils :  Son père!  Son père!.. on a reçu une lettre de votre filleul, mon cousin Batiste!

Père :  Remets une bûche dans le poêle à bois, on va se faire un thé.  Pi tu vas me lire la lettre!

… porte du four qui s’ouvre… feu qui pétille… thé versé dans une tasse… cuiller…

… chaise berçante…

Fils :  … déchire enveloppe… Mon cher parrain…  mon cher cousin…..  Mon oncle, j’espère que vous avez pas trop souffert de vos rhumatismes avec l’arrivée de l’automne…

Père :  C’est un bon p’tit gars!

Fils :  Quand vous l’avez prix en élève, à la mort de ses parents, il avait juste 3 mois… Sa mère morte en couche, son père embroché par le taureau… vous êtes allé le chercher à Québec par les gros chars… il vous considère comme son père!

Père :  C’est mon sang… le fils de ma sœur… c’est la famille!

Fils :  Je continue?… ok… où j’en étais?…  avec l’arrivée de l’automne…

Ici, on travaille fort.  Les journées de dix heures passent vite.  Et les semaines encore plus vite.  Ça fait juste un an le mois passé qu’on est arrivé dans l’Ouest.  Il y a un deuxième train qui est arrivé en début de l’été.  On est tout près de 400 hommes et femmes de par chez nous, maintenant.

Ici, il y a pas de neige… il pleut durant l’hiver… fait que la plupart des maisons ont été finies de construire au printemps.  Là, on est après construire une église.

Vous direz ça à monsieur le Curé Blanchet :  tu de suite quand on est arrivé, le Père Edmond Maillard, Oblat de Marie Immaculée,  un français de France, disait déjà la messe dans la salle de classe, qui est juste au-dessus du magasin de la scierie.  Et il y a deux sœurs de l’Enfant Jésus qui traversent tous les jours la forêt pour venir enseigner aux enfants qui étaient déjà ici avant notre arrivée.

Père :  Comment ça, aux enfants qui étaient là avant leur arrivée?

Fils :  Bin, Monsieur Thompson, de la compagnie… quand il est venu, l’an passé, il avait dit qu’il y avait déjà quelques familles françaises installées… des gens qui étaient déménagés pour les ruées de l’or… ou pour les chemins de fer… pi qui travaillaient maintenant pour la scierie?!!

Père :  Je m’en souviens!… Il disait que ce monde-là serait bien content de voir arriver les nouveaux.

Fils :  …ici avant notre arrivée.  En parlant d’enfant… vous serez content, mon oncle, d’apprendre que ma belle Alida est enceinte!  On attend le bébé pour Noel.  On sait jamais, ce sera peut-être un petit Jésus!

Père :  Que je suis donc content pour lui!

Fils :  … Et d’ici ce temps-là, les hommes de la paroisse pensent bien avoir fini de construire notre petite église.  Le nom de la Paroisse a été choisi :  Notre-Dame de Lourdes!  On fait déjà les plans pour l’école et le presbytère qui seront les prochaines bâtisses à être montées.

Le moulin à scie s’agrandit encore et toujours :  les arbres sont grands ici, et il y en a beaucoup.  On a plus de job que ce qu’on est capable d’en faire.  On a besoin de plus de monde pour travailler.  Les boss nous ont demandé de parler à nos amis et à notre famille qu’on a laissés derrière nous, pour les inviter à venir nous rejoindre.

La compagnie offre les mêmes facilités :  billets de train payés pour l’engagé et son épouse, un terrain et le bois pour construire une maison.  Il y a un docteur pas loin, on a un magasin général, une église, on aura bientôt une vraie école… on a tout ce dont on a besoin… C’est un beau petit village qu’on a là.

Fait que, mon oncle, si vous pouvez passer le mot?  Même vous, vous seriez bien ici.  Vous pourriez pas travailler, à cause de vos jambes.  Mais j’en ai parlé à mon Alida.  Si votre fils voulait faire le voyage, je vous paierais votre billet de train à vous mon oncle, et vous pourriez tous les deux rester chez nous en attendant que votre maison soit finie de construire.

Vous êtes comme un père pour moi, et mon cousin, c’est comme mon frère.  Je serais le plus heureux des hommes si vous acceptiez de venir me rejoindre…

Je signe, avec reconnaissance, votre fils, votre Hector.

Post Scriptum :  Adéla fait dire que, mon cousin, ce serait temps que toi et ta Rosalie vous vous mariez et que vous déménagiez dans l’ouest!

… père et fils rient…

 

Père :  Grosse invitation! … qu’est-ce que t’en penses, mon gars?  Aller vivre dans l’ouest? Moi, je pense que j’aimerais ça.  Voir du pays… pi… il y a pas de neige.  C’est dur pour moi de marcher dehors l’hiver… avec la neige et la glace… pi mes rhumatismes… Qu’est-ce que t’en penses?

Fils :  Je voulais pas vous en parler, mais l’an passé, j’aurais voulu signer, quand Monsieur Thompson est venu… je voulais pas vous laisser tout seul… mais là… si Batiste paie votre billet… c’est plus pareil!  Ça me tente, son père! … On y va-tu?

Père :  Je me sens rajeunir, tout d’un coup!  On y va!!!

 

… Chanson des colons :  Félix Leclerc… 2m05

https://www.youtube.com/watch?v=O2KRi8V_1E4

 

Narration 2 :

 

En 1913, le petit village francophone est en pleine croissance : il compte plus de 500 habitants et obtient son premier bureau de poste. Le village est alors nommé Maillardville, en l’honneur du père Edmond Maillard, premier prêtre de la paroisse Notre-Dame-de Lourdes.

 

Elle constitue alors la plus grande communauté francophone à l’ouest du Manitoba.

Village dynamique, Maillardville sera à l’origine du développement de la municipalité de Coquitlam.

 

Des services de police et une brigade de pompiers sont formés.  Plusieurs commerces s’installent sur l’avenue Brunette :  le magasin général Proulx qui sert aussi de bureau de poste, une boucherie, une cordonnerie, et plus tard, des salles de billard et une salle communautaire.

 

Ayant laissé leurs familles, leurs paroisses, leurs villages derrière eux, les nouveaux venus s’organisent une vie sociale animée.  On crée une fanfare, on organise des soirées de bingo, pendant que des équipes de hockey et de baseball voient le jour.

 

En 1957 a lieu la première rencontre de l’Association des Scouts francophones de Maillardville; en 1957 on construit le Foyer Maillard, un centre pour les aînés.

Vous vous souvenez de la devise :  Notre langue, notre foi… nos droits?  Et bien, les francophones de Maillardville savent défendre leurs droits.

 

En effet, bien que les conditions de travail fussent très intéressantes en 1909, la situation se détériore et en 1931, les travailleurs se regroupent pour devenir les précurseurs du mouvement syndical en Colombie-Britannique.

 

On fait la grève pendant quelques mois, mois pendant lesquels on s’organise pour survivre.  Les femmes créent une cuisine collective.  Malgré la résolution du conflit, plusieurs employés sont congédiés.

 

En 1951, les écoles catholiques de Maillardville se sentent victimes d’injustices.  La commission scolaire catholique confie ses 840 élèves à la commission des écoles publiques neutres.  Ce geste provocateur crée une onde de choc à travers tout le Canada, et même jusqu’en Angleterre.

 

Les enfants restent dans les écoles publiques pendant 1 an… le conflit tarde à se résoudre.  Ce sera suite à une résistance relative au paiement des taxes foncières que tout se règle :  non seulement les écoles catholiques de Maillardville, mais celle des écoles catholiques de toute la province sont maintenant exemptées de taxes, et les élèves ont pu retourner dans leurs écoles.

 

A travers les années, les habitants de Maillardville ont gagné bien des batailles et ont inspiré beaucoup d’autres communautés à se battre pour la défense de leurs droits.

 

Ce désir, cette volonté de vivre en français s’est retrouvée dans les générations de francophones qui se sont succédées à Maillardville.  C’est pourquoi, encore de nos jours Maillardville est l’un des fleurons de la francophonie en Colombie-Britannique.

 

…. Intermède musical 30 secondes….

 

Dramatique 4 :

… dans le centre francophone de Maillardville… aujourd’hui….

… conversation en fond sonore… rires…

 

Réception :  Bonjour madame!  Que puis-je faire pour vous aujourd’hui?

Dame :  Bonjour!  Je viens juste d’emménager en Colombie Britannique.  J’habite Coquitlam.  Je travaille dans un petit café tout près d’ici, et je passe matin et soir devant votre centre.  J’aimerais plus d’information sur le centre, bien sûr, mais je m’ennuie un peu, loin de chez moi… et je voudrais me joindre à un groupe… vous savez, pour ma vie sociale…

Réc : Vous avez frappé à la bonne porte!  Vous êtes ici au Centre Francophone de Maillardville.  Le centre a été fondé en 1983.  Notre but est d’encadrer et de soutenir nos membres dans un milieu communautaire et culturel.  Nous offrons des services et des activités, en français pour les francophones de la région.

Dame :  Quel genre d’activités?

Réc. :  Toutes sortes d’activités… mais toujours en français.  Pour les adultes, on donne des cours de français, pour tous les niveaux; il y a aussi un club de lecture.  Pour les enfants, il y a les cours de français après l’école, mais aussi des camps d’été.

Dame :  Je n’ai pas d’enfant…

Réc :  Qu’à cela ne tienne!  Nous organisons des évènements annuels, comme la fête de Noel, la fête de Maillardville, le festival du bois, la St-Jean-Baptiste…

Dame :  Avez-vous un dépliant?

Réc :  Vous pouvez retrouver toute l’informations sur notre site Web… et voici notre pamphlet.

Dame :  … on l’entend manipuler le pamphlet… Oh!  Vous avez aussi une bibliothèque!!! Magnifique!!! … je vois aussi que vous cherchez toujours des bénévoles?

Réc :  En-effet.  Nous bénéficions d’une banque de bénévoles impressionnante, mais nous prenons toujours des noms.  Vous savez, c’est l’engagement des bénévoles qui dès les débuts, en 1909, a permis de développer notre communauté, de garder notre langue et de défendre nos droits?  Devenir bénévole, c’est faire partie de notre grande famille et c’est de participer à la sauvegarde de la francophonie Franco-Colombienne.