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Fort Victoria 1843

Le but de cet article est de vous faire revivre l’année 1843 mois par mois.

Photo par : bcheritage.ca

JANVIER 1843

Primo, établissons l’existence de la Compagnie de la Baie d’Hudson [CBH] créée en 1670. Avec le temps, c’est le plus vieux commerce en Amérique du Nord spécialisé dans la traite des fourrures et la création de postes d’échanges avec les Amérindiens. Après la chute de la Nouvelle-France en 1763, le réseau des postes de traite va s’étendre facilement vers l’Ouest et le Nord. Le système d’administration de la Compagnie est britanniquement bien organisé. Vers 1800, la Baie d’Hudson est détentrice de la plus grande partie du territoire du nouveau pays du Nord de l’Amérique. Vers 1820 – 30, elle contrôle le commerce du côté de l’Ouest vers les Montagnes Rocheuses. La Compagnie a des employés du Bas-Canada et des administrateurs de l’Empire britannique.

Au Fort Vancouver (Orégon), la Maison des chefs de commerce héberge, d’un côté, Dr John McLoughlin, médecin et chef de poste, son épouse Marguerite (amérindienne) et sa famille; de l’autre côté, James Douglas (chef de négociations et de traite) et Amélia (amérindienne) ainsi que sa famille. Un autre personnage, William McNeil, capitaine du Bateau-vapeur « Beaver ». Le Gouverneur britannique en charge des projets commerciaux aux Colonies britanniques : Sir George Simpson qui suit l’évolution du travail fait et de la situation politique.

Vers 1834, McLoughlin a établi une chaîne de Forts du sud au nord : Fort Nisqually (Puget Sound), Langley (Fraser), McLoughlin (Bella Bella) et Simpson (Nass River). Vers 1840, Douglas s’implique à établir des liens avec de nouveaux partenaires :ex. avec Russian American Company à Sitka (Alaska). Il négocie l’administration de Fort Stikine (Wrangell) et Fort Taku (près de Juneau).

La CBH a commencé à varier ses activités. À l’ouest des Rocheuses, c’est la pêche au saumon à Fort Langley, production agricole à Nisqually, Cowlitz, Fort Langley et Fort Vancouver. On pensera aux mines de charbon sur l’Ile de Vancouver. Un bail pour l’Alaska en échange de paiements en fourrures, de nourriture…. Les Américains sont impressionnés par les méthodes d’Affaires, la discipline des employés et tout le travail humanitaire fait par les officiers! L’éducation des orphelins et des métis à l’intérieur du Fort Vancouver.

Le Gouverneur Simpson se tient au courant des problèmes de frontières entre les États-Unis et le Canada-Uni et l’insécurité dans laquelle sont mis les employés de la CBH. Il y a un besoin urgent de construire un poste au nord du 49e parallèle. Où sera-t-il situé? Au nord ou au sud de l’Ïle-de-Vancouver?

FEVRIER 1843

Photo  par : web.uvic.ca

Nouveau site pour un poste de traite sécuritaire pour les employés de la Compagnie de la Baie d’Hudson.  La décision fut longue à prendre, après plusieurs discussions et suggestions, un communiqué des Gouverneurs ordonne l’installation du Fort au sud-est de la grande Île des Premières Nations.

Vous avez entendu différentes capsules d’histoire au sujet des informations suivantes : une grande Île où vit le Peuple Lekwammen depuis plus de 6 000 ans dont les Songhees et le groupe d’Esquimalt; un bateau vapeur, appelé Beaver, pour relier les forts les uns aux autres, et les ravitailler tout en cueillant les fourrures de la traite.  C’est le sobre capitaine William Henry Mc Neil qui en est le pilote de bonne réputation. Le Fort Vancouver qui doit trouver un autre endroit sécuritaire comme quartiers généraux de la CBH.

Il y a donc différents acteurs, soit un mélange de bourgeois anglais, de canayens voyageurs-interprètes et des occupants autochtones! Cette situation d’importantes communications et négociations fait utiliser la nouvelle langue chinook et des interprètes. Ici, je mentionnerai que la présence dite « française » était, à l’époque, de nette prédominance canadienne-française aux 4 coins du continent.  Cela a été documenté. « Les alluvions québécoises constituent, avec la roche mère autochtone, l’un des trait essentiels du paysage anglo-américain… » (Amériques, Jean Morisset et Éric Waddell, l’Hexagone.)

La conjoncture permet de passer à l’action après l’hiver. Un plan de déménagement sera pensé par le Chef de Mission James Douglas.

MARS 1843

Photo par : Postal History Corner
Célébration du 100e anniversaire (1843-1943)

À 170 ans d’espace temps et de distance de nous, cette chronique mensuelle nous place à un moment-clé de l’évolution commerciale pour la CBH et religieuse pour l’Église catholique romaine.

Aujourd’hui, nous sommes le 7 mars 1843.  Où se trouve l’équipage du vapeur SS Beaver?  D’après les nouvelles des tambours autochtones, c’est dans les environs de la région de Cowlitz, là où se trouve une Mission catholique au nord de la Rivière Columbia. L’Abbé Jean-Baptiste Bolduc, missionnaire du Bas-Canada, s’y trouve depuis un an et doit quitter pour se diriger en caravane jusqu’à Nisqually pour faire partie de l’expédition à la demande de Dr. John MCLoughlin, chef de poste, et du Chef de mission James Douglas.  À Fort Nisqually, Puget Sound, le bateau est ravitaillé, mieux équipé et prêt à traverser les Détroits dès que le prêtre arrivera et si Mère Nature est clémente.  Le Capitaine et le commandant espèrent arriver à la grande Île de l’avenir le mardi 14 mars.  Il y a de la nervosité dans l’air car, récemment, il y a eu des batailles et un homme étranger a été tué et 3 autres sont disparus.  La prudence est de mise car la trahison est possible.  Si tout va bien, le 15 mars, les premiers contacts pourraient avoir lieu!

James Douglas est convaincu d’aller vers un excellent site, Port Camosack et Camosun en anglais, qui répond à presque tous les besoins d’un Fort et de son personnel.  Ça deviendra le principal centre pour le Dépôt de marchandises, donc les Quartiers généraux pour le vaste empire de la CBH à l’ouest des Rocheuses.

AVRIL 1843

En avril 1843, le groupe fondateur du Fort Victoria, dirigé par James Douglas, vit probablement encore à bord du SS Beaver depuis 3 semaines.  L’Abbé Jean-Baptiste Bolduc est reparti vers l’Île de Whidbey pour une autre mission (du côté d’Anacortes).  C’est la période d’adaptation et d’apprivoisement entre les deux partis.  Pas d’accrochage avec le voisinage pour le moment.

Les données d’observation sur l’endroit, sur la connaissance de la culture aborigène et sur le développement de la construction du Fort sont les 3 principales occupations de la quinzaine de personnes de la CBH.  Le printemps de la péninsule fait voir la richesse du lieu en baies, comme les groseilles et les mûres, ainsi que la croissance des herbes…  La pêche est facile car c’est la harengaison i-e que le Pilchard Herring, soit le hareng ou genre sardines, arrive en avril en abondance.

Il est noté que les 3 grandes Nations de l’Île sont parmi les plus prospères de l’A. du Nord : ils ont du saumon, du hareng, des animaux de mer,  de la plie, du flétan, du marsouin, des fruits de mer, des coquillages et 3 façons de pêcher sont observées avec filets, avec hameçons et aux dards spéciaux.  Le cèdre leur sert pour les habitations, les vêtements, des objets familiers quotidiens comme des paniers tressés…  Les Nations de la Côte ont un réseau complexe de troc et de traite par canots et par sentiers.  Les aspects social, économique, religieux, éducationnel existent…  ainsi qu’une forme de relations diplomatiques.  C’est constaté par les comportements entre eux et la symbolisation des masques, des pôles thématiques et des objets utilisés.

Photo par : bastionsquare.ca

Du côté des employés de la CBH, la recherche de l’eau potable est réussie car une source est identifiée et déjà les hommes construisent le premier puits…  (En passant, c’est peut-être ce puits que nous pouvons voir dans l’édifice Rithet, rue Wharf, au sud du Bastion Square.)  Le travail des pieux pour la palissade, promis par les autochtones, avance rapidement tel qu’entendu en échange de couvertures.  Le difficile travail d’équarrissage des troncs d’arbres est plus lent puisqu’il faut les trouver, les abattre, leur donner l’aspect d’un tronc à deux faces planes pour les empiler les uns sur les autres et les transporter par voie d’eau.  Le Fort aura 150’  sur chaque face avec deux petits bastions.

Tout le monde est au travail!  La discipline est une qualité de James Douglas et il y tient dans son équipe.   Il y a des directives que James Douglas doit suivre d’ici l’été et qui vont amener d’autres employés au Fort Victoria pour aider à la construction.  Rendez-vous à la chronique de mai!

MAI 1843

Cette chronique est placée sous le symbole d’une fleur printanière bleue ou blanche appelée « kamass » en jargon chinook.  Un repas nutritif et succulent d’époque, du poisson et du kamass (bulbe sucrée).  On parle de cueillette de ces bulbes dans les plaines.  On peut en trouver au Parc Beacon Hill.  (La peintre canadienne Emily Carr a peint une nature morte de kamass dans un pot et en a fait cadeau aux Sœurs de Ste-Anne en remerciement des soins prodigués à sa sœur Elizabeth à la fin de sa vie.  Ce tableau a été remis en 2012 au Art Gallery de Victoria.)

Après 7 semaines d’exploration, du côté travail, rien n’a changé : c’est la coupe du bois pour trois utilités: 1-  la palissade qui clôturera le terrain de l’emplacement du Fort (150 vges.c.) 2- pour les constructions de campements et d’entrepôts (billots équarris et planches)  3- bois coupés en réserve pour les fournaises du bateau-vapeur qui part en voyage.

En effet, Douglas part pour le Nord y fermer les forts Durham et McLaughlin. Tout le personnel CBH, soit une cinquantaine d’hommes. sera ramené au Fort Victoria par le Beaver.  Le schooner Cadboro va transporter le matériel et les produits de la traite des fourrures au fur et à mesure des espaces d’entreposage disponibles au nouveau Quartier Général de la CBH.  Le Gouverneur Simpson croit à la traite par bateau.

Pour terminer, mentionnons les ententes entre les représentants de la CBH et les Premières Nations, elles se font surtout oralement. Selon ma compréhension, pas de papiers légaux ou de traités signés en 1843.  C’est la compréhension, au jour le jour, des moments solennels de contenus de la communication par interprètes ou en chinook, des réactions selon les comportements observés et les résultats constatés; tout cela est inscrit dans des rapports et signé par Douglas.  Ce ne sera que 5 ans plus tard qu’il sera question des Traités faits par Douglas.

JUIN 1843

Photo par : web.uvic.ca

Ce mois est aussi marquant que le mois de mars 1843 alors que Douglas et l’équipage du Beaver avec le capitaine Brochie s’ancrait près de la péninsule de l’Île Vancouver.  Un coup de canon avait été tiré pour attirer l’attention des Songhees.  Il s’agissait d’approcher les résidents de la Péninsule pour avoir une entente orale d’utilisation de terrains pour y bâtir le Fort Victoria de la Compagnie de la Baie d’Hudson (CBH).

Première semaine de juin 1843, c’est le retour du Nord du Beaver et du schooner Cadboro qui transportent personnel et biens matériels puisque deux Forts du Nord, soient le MCLoughlin et le Durham (taku), ont été défaits et fermés à la traite des fourrures.

Sur le site choisi de la péninsule, il y a campement! Des tentes sont installées pour héberger une quarantaine de personnes qui viennent bâtir le Fort Victoria comme prévu.  Un terrain de 150 verges carrées est déjà mesuré et, de chaque côté, une palissade a été plantée pour un enclos en forme carrée.

De nouveaux personnages s’ajoutent.  Charles Ross, écossais de 49 ans, qui vient du Fort McLoughlin et qui sera en charge de la construction du Fort.  Roderick Finlayson, écossais de 25 ans, qui vient du Fort Simpson et il a déjà travaillé au Fort Coulonge au Québec.  Tous les deux ont commencé comme employé-commis  de la CBH.  Finlayson assistera Ross dans sa tâche.

Douglas retournera à Fort Vancouver confiant que le travail de construction sera fait dans la paix avec l’environnement et ses résidents.  Des bateaux de ravitaillement viendront régulièrement porter le courrier, de la nourriture et du matériel demandé.

Le peuple aborigène est fasciné par le mouvement dans l’emplacement du Fort et observe discrètement tout ce qui s’y passe. Les deux bateaux resteront à proximité pendant tout le temps que durera la construction.  C’est un signe de surveillance et de sécurité.  Il y a des gardiens de matériel.

Le 10 juin, une résolution est passée au Comité des Gouverneurs à Londres confirmant le nom de Fort Victoria en l’honneur de la Reine Victoria (1837-1901) ainsi le Fort est maintenant baptisé!

JUILLET 1843

Les nouvelles du Fort Victoria sont positives.  Le climat est plaisant et de santé comme prévu.  Travailler sans maringouins est apprécié! L’eau fraîche du puits creusé suffira-t-elle au campement? C’est une petite inquiétude pour le moment.

Douglas est retourné au Fort Vancouver et ne reviendra pas du reste de l’année.  Sur les terres des Songhees, le plan du Fort se réalise, jour après jour, encerclé par la palissade de piquets de cèdre de 18’ de hauteur. Charles Ross est en charge de la construction et de la gérance, et l’adjoint Roderick Finlayson s’occupe de l’hébergement des employés et des familles, sur le bateau et sous les tentes, ainsi que des solutions aux problèmes humains, du genre ressources humaines.

Les autochtones observent ce qui se développe sur la rive du Port Camosack et réussissent à vendre de la nourriture à la CBH, une bonne affaire qui encourage l’agriculture sur la péninsule.  Les employés de la CBH commence à planifier une ferme avec retard… la terre doit être préparée. Des chevaux et des animaux d’élevage y sont apportés du Fort Nisqually. C’est un embyon de culture, 1 acre ou deux, mais les bateaux font du ravitaillement.

Dans le Port, un ou deux bateaux sont ancrés en signe de présence vigilante et de sécurité pour le groupe d’une cinquantaine de personnes.  Un gardien de site et de matériel est désigné pour surveiller le terrain en dedans de la palissade et à proximité. Le Fort est prévu pour au moins 8 édifices sur le site : une maison pour les employés, une autre pour les officiers et leur bureau, d’autres pour le dépôt des marchandises de la traite, deux bastions octangles à trois étages pour la défense en cas de besoin.  Les maisons de fort sont faites en chaîne au plan architectural standard du style Georgien; ce sont des structures solides élevées selon des directives quant à la grandeur de chacun, ce qui caractérise les bâtisses de la CBH et les rend semblables.  Sur le terrain, il y a des troncs d’arbres équarris, ils seront montés pièce sur pièce, le calfeutrage consistera en des produits naturels comme la mousse, l’écorce d’arbre ou la laine et on ajoute une véranda, un toit pointu et quelques marches pour y entrer.  Comme modèle de l’époque, je vous invite à aller visiter deux maisons du côté « est » du Musée Royal de la C.-B. celle du Dr. Helmcken où se trouve son monument et la petite maison de Léon Morel, devenue l’école pionnière des Sœurs de Ste-Anne en 1858. De l’intérieur, regardez bien la fabrication des murs…. Et le calfeutrage.  La petite école pionnière, grâce à l’AHFV, est ouverte tous les dimanches de midi à 16 :00 jusqu’au 16 sept.  Profitez-en bien!

À mesure que la domination de la CBH diminuera avec la Ruée vers l’or de 1858, des ingénieurs et des architectes d’ailleurs arriveront et l’architecture changera avec de nouveaux styles britanniques. Ce sera le futur!

 ** Le 23 juin 2013, il y a eu une visite au Cimetière Ross Bay pour s’arrêter sur les tombes de ces braves pionniers…  Ross, Finlayson, Capitaine Mc Neil, et la vingtaine de canadiens-français; j’étais sur la parcelle où serait enterré Léon Morel, employé de la CBH, le propriétaire de la petite maison-école pionnière, afin de rappeler tous ces inconnus canadiens-français ou oubliés qui ont contribué aux débuts du Fort Victoria dans des conditions difficiles. Et nous avons tous crié : Vivent les valeureux Voyageurs!  Donc, à la prochaine au mois d’août!

AOUT 1843

Le troisième mois de construction s’enclenche.  Que de bonnes nouvelles en provenance du Fort Victoria.  Les textes ne mentionnent pas de graves problèmes de santé, ni d’accidents de travail.  Les hommes de bois aux mains de cornes sont rudes à leur corps.

En saison d’été, le traffic est grand sur les cours d’eau.  Les villages des résidents du peuple Lekwangen peuvent changer d’endroit; ils visent à cueillir les fruits de la nature et les produits de la mer.  Les saumons sont attendus; ils descendent les détroits en août.  Les résidents se visitent, se renseignent sur l’évolution du nouveau fort, échangent des biens et se battent aussi. En pagayant les détroits et les rivières, les nouvelles circulent en plusieurs langues du nord au sud et de l’ouest à l’est.  Le développement du fort est suivi avec grand intérêt.  L’idée d’un entrepôt général de traite des fourrures et tout ce qui vient avec l’échange fait son chemin commercial parmi les humains.

Douglas, représentant de la CBH, n’est pas sur place mais le drapeau de la CBH flotte au Fort.  La communication avec ses officiers, Charles Ross et Roderick Finlayson, se maintient au sujet du site en évolution : distribution des tâches et comportement des employés, les endroits désignés pour la coupe de bois, l’approvisionnement du camp en nourriture, la sécurité symbolique montrée par la présence de bateaux dans le port intérieur et l’étude du comportement des peuples environnants ainsi que les noms des différentes familles.

L’Empire royal se sert de la CBH pour établir une propriété sur ses morceaux de terre.  Les premières terres à négocier seront sans doute celles du district de Victoria et celles du côté de Mechosin et de Sooke, endroits d’où vient le bois pour la construction… un moulin à scie est sans doute en voie d’installation! À la lumière de l’Histoire, on peut voir venir une période de politiques territoriales.  Les résidents s’approchent et s’installent à proximité du fort, du côté de la rivière Gorge. Chercheraient-ils à protéger leurs terres et leur droit à établir des villages d’été et d’hiver?

Comme on sait que Douglas est un homme de devoir, un fidèle employé visant le plus de profit pour sa compagnie, les ententes se feront surtout par contrats d’achat de pièces de terre avec différents groupes de villages en couvertures ou en argent (Pounds).  Papiers parfois difficiles à comprendre et pas toujours signés par Douglas mais signés par les représentants des villages.

Conclusion : en août 1843, c’est paisible pour l’été.  C’est un voisinage agréable et respectueux entre les résidents et les nouveaux arrivés. Les biens s’accumulent, le bétail arrive… chacun surveille son territoire.  Un gardien de sécurité fait la ronde.

SEPTEMBRE 1843

Dans son rapport de septembre, le chef de chantier Charles Ross inscrit que des clôtures et une palissade sont solidement installées, que deux bâtiments sont terminés et habitables et que le bois pour la construction d’un troisième bâtiment est en réserve sur le terrain.

Parmi les employés, il y a des hommes dans la quarantaine qui font équipe : Joseph Allard, charpentier de Lachine, excellent à la construction de bâtiments et de chaises; Antoine Gagnon de St-François et François L’Écuyer de Beauharnois.  L’ambiance au fort, c’est le travail de 6 :00 à tard le soir; le côté social existe peu.  Charles Ross lui-même avouera que vivre au nouvel emplacement péninsulaire devient une routine empreinte d’une triste solitude et d’une lourde isolation loin des sentiers du continent.

Il y a environ 50 personnes au Fort Victoria.  La nourriture est parfois en quantités modérés car aucune culture n’a été faite pendant l’été 1843.  Un bateau de Nisqually (Tacoma) apporte régulièrement de la nourriture et des outils nécessaires ainsi que du courrier.  Les échanges de produits avec les Premières Nations se continuent.

L’inventaire des échanges de fourrures, de juin à septembre, se chiffre ainsi : 300 peaux de castors et de loutres reçues au poste de traite et mis en ballots. Ross souhaite que les autochtones du Cap Flattery et de la Côte ouest de l’Île puissent s’habituer à venir au Fort Victoria.  Localement, de plus en plus d’autochtones circulent dans les environs, paisibles et courtois malgré les occasions de manifester quelques mécontentements.

L’été a apporté un problème : une disette d’eau! Il a fallu désigner des employés pour le transport de l’eau douce car le premier puits s’est asséché.  Il faut la transporter sur une distance de 1 mille ½.  Donc, une autre source plus fiable d’approvisionnement doit être trouvée.

Dans l’ensemble, le chef de chantier est satisfait du rythme du travail et du déroulement des journées où chacun y trouve sa tâche et les défis à solutionner.

OCTOBRE 1843

Pourquoi des canadiens-français?  Peut-être pour leur interaction avec de nombreux membres des Premières Nations et leur capacité à interpréter les habitudes et coutumes de ce peuple, ce qui contribuerait à l’installation paisible du Fort Victoria en ce nouvel endroit.

Rappelons que la vie d’un canadien-français se découvre en étudiant des rapports, des comptes-rendus de voyages et d’expéditions, des contrats, de la correspondance de chefs de traite et d’officiers de la CBH, de lettres de missionnaires, de journaux, de cartes… Cependant, que de doutes persistent quand on consulte les documents; c’est dû au manque de précisions dans les écrits.

Des fois, il est difficile de trouver qui est qui.  Prof. Guy Poirier (UWaterloo) a écrit: ”Le passé de la francophonie de notre province d’adoption n’est pas facile a reconstruire.”   (dans le livre “La francophonie de la C.-B. : mémoire et fiction – Espaces culturels francophones III).

NOVEMBRE 1843

Sur la péninsule de l’île, la température devient plus maussade et la luminosité diminue.  Le Fort Victoria comprend trois bâtiments complétés à l’intérieur de sa palissade. Ce n’est pas un temps idéal pour le travail dans la forêt et la construction. Cet endroit a été qualifié de « dangereux » en ce qui a trait aux conditions de travail.  De plus, les voyageurs-bâtisseurs peuvent s’y sentir isolés ce qui n’est pas très bon pour le moral!

Heureusement que sur la quarantaine de personnes dont quelques familles viennent des forts fermés du nord, les canadiens-français se connaissent depuis longtemps et sont des « Hommes du Nord », capables d’endurer des situations difficiles.  Les Songhees (Cadboro Bay) se rapprochent du fort pour s’y installer progressivement et y vivre l’hiver.  Les ententes orales au sujet des terrains, du matériel et de la nourriture continuent à exister entre les employés officiers blancs de la CBH et les résidents autochtones du grand peuple de l’Île.  Le groupe des Clallams de la péninsule commence à montrer, lui aussi, son intention de se rapprocher du port intérieur.  Quelques célibataires engagés auront l’occasion de trouver une partenaire dans un proche environnement et, qui sait, « se marier à la mode du pays ».

L’accès à l’eau potable demeure un problème à résoudre.  La nourriture continue d’arriver par bateau pour ce qui est de la viande et des légumes.  Imaginons que malgré l’isolement, toutes ces gens soient arrivées à se faire un style de vie et une routine acceptable pour cette étape d’établissement.

DECEMBRE 1843

Au Fort Victoria, en décembre 1843, ce sera la première saison des Fêtes chrétiennes.  Aucun représentant d’une quelconque religion ne réside au fort.  Les deux officiers écossais, Charles Ross et Roderick Finlayson sont de croyance presbytérienne et leur attitude vis-à-vis d’une fête de Noël est plutôt sévère, cherchant à éviter les batailles au fort.

Par contre, il y a les canadiens-français élevés dans la religion catholique qui, avec le temps et l’absence d’aumônier, sont devenus des « catholiques à gros grains », comme on dit dans leur langue.  Ils ont gardé une croyance religieuse personnelle mais leur mémoire n’est certainement pas vide des souvenirs d’une Messe de Noël, des pieux cantiques, des joyeux réveillons passés en famille élargie.

Le 24 décembre 1843 tombait un samedi travaillé. Donc, Noël passera-t-il inaperçu? …puisque ce sera un dimanche de repos comme tous les autres dimanches précédents.

Les résidents du fort seront témoins de la grande fête du solstice du 21 décembre, célébrée durant quelques jours par les peuples Salish de la Côte.  Les Songhees ne se présentent pas au travail pour la coupe du bois. L’entente avec la CBH suspendue, tous festoient en cette période de la longue cérémonie annuelle médecinale, une tradition des Premières Nations.

Imaginons que les travailleurs de la CBH auront au moins eu un bon repas, appelé un Régal!  Que la quantité de rhum permise à chacun les aura peut-être portés à jouer de l’harmonica, à chanter des chansons à répondre et à raconter quelques histoires réelles ou pas, pour une ambiance festive!

Ce ne sera que vers 1848, que les Fêtes présenteront une préparation, une célébration et un festin pour tous!